Européennes : Pour reconstruire, il va falloir panser les plaies et repenser idées !

Européennes : Pour reconstruire, il va falloir panser les plaies et repenser idées !

Un entretien avec Stéphane Bourhis* au lendemain d’une secousse politique qui n’en est pas une. On parle de tout et de rien…Vie politique, Européennes, Alsace …

Alors, claque de la droite, victoire du RN et survie de Loiseau ?

Stéphane Bourhis : C’est un résumé rapide mais un résumé ne permet pas d’aller au fond des choses. Une élection suppose des cris et des pleurs à chaud mais une réflexion plus posée aussi …

Une campagne européenne bi-polaire

Le score de François-Xavier Bellamy est une mauvaise surprise car l’homme a fait une campagne hors norme sur le fond dans, hélas, un temps trop court et dans une conjoncture bipolaire. Demandez à votre médecin généraliste ce qu’il pense des « personnes » bipolaires.

Imaginez son diagnostic lorsque c’est un pays tout entier qui le devient. J’ai apprécié le discours du candidat LR, son positionnement construit ( qui n’est pas le mien sur certains sujets) et son écoute des gens. J’ai apprécié sa sortie. Il a demandé « Pardon » aux militants LR. Quand avez-vous entendu un politique demander pardon lorsqu’il avait échoué ?

Maintenant, je ne nie pas ce qui provoque la situation actuelle… Notre Histoires, nos histoires…

Une victoire du RN… Les faits sont là, le RN a terminé premier de cette élection. Objectivement, je ne suis pas surpris une seule seconde et je ne comprends pas ceux qui se disent l’être. L’analyse des motivations électorales des Français, les stress économiques et sociaux, la perte de confiance globale dans une Europe qui ne reste aujourd’hui qu’un marché ont alimenté cela. Le colosse, cependant, sort de l’élection avec des pieds d’argile, ce qui mérite une autre analyse de fonds, sur ses faiblesses diverses mais ce n’est pas mon propos .

Survie de Loiseau ? Je dirais même que face à la volée de chevrotines et à la campagne, elle ne s’en sort pas trop mal. Maintenant, la co-campagne Loiseau-Macron a mobilisé des moyens inégalés. Au fait, le grand débat, les articles dans les médias seront-ils sur les comptes de campagnes ?

« l’écologie véritable est une force originellement conservatrice, philosophiquement traditionaliste, respectueuse par nature des identités ».

La force nouvelle, c’est donc EELV ?

Stéphane Bourhis : C’est une force qui est là depuis bien longtemps et qui a déjà « scoré ». Elle gère des villes, a été porté récemment par les manifestations pour le climat. Une partie de la gauche peut se structurer autour.

Mais l’écologie véritable est une force originellement conservatrice, philosophiquement traditionaliste, respectueuse par nature des identités. Je me dois de retrouver rapidement « Le Sens de l’écologie politique », d’Antoine Waechter et Fabien Niezgoda, d’autres textes de Giono, Latouche, Teddy Goldsmith ou encore du naturaliste Robert Hainard pour remettre au clair ce que je pense.

  • Un, à l’échelle du monde animal, la nature est darwinienne et peu ouverte au vivre ensemble même si un grand équilibre y règne. On imagine mal, ainsi, des fourmis noires ouvrant leurs fourmilières aux fourmis rouges, pas plus que nos abeilles accueillir à ailes ouvertes les frelons asiatiques.

N’en déplaise aux vegans qui veulent priver le renard de lapins lion de gazelles (source sur demande), ces derniers gardent un sourire carnassier.

  • Deux, dans la pensée politique, il est étonnant de lire que toutes les espèces vivantes devraient pouvoir vivre dans un milieu naturel préservé et de l’interdire à l’homme, du fait des pollutions et de conséquences géopolitiques ou macro-économiques.

Il faut aussi oser imposer un autre regard sur l’écologie. L’écologie ne saurait être que le culte d’un décor « green-washé » ou en mode bobolutionnaire puisqu’elle conditionne simplement et essentiellement nos vies.

C’est la fin des vieux partis, du clivage droite gauche ?

Stéphane Bourhis : Je suis partagé ! D’abord parce qu’une partie de l’électorat attache une importance à ce clivage. Il est rassurant et s’inscrit dans nos républiques récentes. Mais la 5ème est abimée.

Une chose est claire, nous assistons à un effacement du clivage droite-gauche ! Ce depuis des années. D’abord parce que les formations dominantes ont fini par se ressembler. Ensuite parce qu’une étiquette ne suffit pas à conditionner le contenu idéologique d’un programme. Il faut des idées… Et si tout le monde est d’accord sur les idées, l’électeur ne fait plus la différence.

Nous vivons cela en France où sont nées les notions de droite et de gauche ! C’est d’autant plus important ! Nous continuons à nous définir majoritairement d’un camp ou d’un autre mais cela diminue avec les générations montantes.

Les débats sociétaux qui ont façonné ce clivage s’effacent d’ailleurs. Le clivage droite-gauche fut d’abord institutionnel, il fut ensuite religieux, et enfin social. Là, il s’y incarne encore mais à la marge.

Notons même que la gauche s’est retrouvée dans l’économie de marché. C’est donc la « lutte finale » entre « les pragmatiques » et « les révolutionnaires ».

La gauche actuelle se cache dans des messages sociétaux mais économiquement, elle défend des positions principalement matérielles ou quantitatives (le bonheur c’est d’avoir) sans oser remettre en question les éventuels dysfonctionnements du capitalisme de masse.

Les révolutionnaires, eux, sont divisés par leurs certitudes mais conservent un poids électoral fort mais éclaté.

Il faut relire René Rémond et son « La politique n’est plus ce qu’elle était » …

Quant à la droite. Elle fut souvent maladroite. Elle a parfois trop troqué la nation ou les régions contre l’économie. Elle a confondu intérêts et convictions. Elle pensait « gestion » alors qu’il fallait gérer ses idéaux et intégrer le gaullisme social…

Enfin si « le moi se pose en s’opposant », la droite a fini de s’opposer avec la fin du communisme pendant que la gauche s’adaptait au marché et s’inventait un ennemi avec le supposé antifascisme. Sur ce sujet, on relira Alain Finkielkraut.

En gros, je crois que c’est Régis Debray qui écrit « Lorsqu’il n’y aura pas plus de différence entre la gauche et la droite qu’entre les services d’une banque nationalisée et ceux d’une banque privée, ou entre le journal télévisé d’une chaîne publique et celui d’une chaîne commerciale, on passera de l’une à l’autre sans regrets et, qui sait, sans s’en rendre compte » … Il n’avait pas prévu Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron a gagné les élections ?

Stéphane Bourhis : Il faut encore du temps pour analyser le scrutin mais c’est sûr que beaucoup de partis ressemble à une biche regardant arriver un 38 tonnes, paralysé au milieu de la route. Le 38 tonnes est passé aux Présidentielles et vient de sauver le soldat Loiseau.

J’ai trop de respect pour François Mitterrand mais d’une certaine façon, Emmanuel Macron, c’est Mitterrand + Internet…

Emmanuel Macron avait abîmé la droite. Il vient de lui redonner un coup tout, en même temps, en poignardant la gauche. J’ai trop de respect pour François Mitterrand mais d’une certaine façon, Emmanuel Macron, c’est Mitterrand plus l’Internet…

Mieux, il sait que si un jour les choses allaient mal, il pourrait se passer des ralliés centristes pour les remplacer par une brigade écologiste.

Disons que la « Starwarisation du paysage politique » (idée que je pose comme la division contemporaine entre les forces du bien et celles désignées du mal) a fonctionné. Mais je m’inquiète par nature des limites de la diabolisation comme excuses à tous les échecs.

« Nous allons vers un appauvrissement de la classe moyenne, une paupérisation des classes populaires et un souci généralisé avec l’ensemble des générations qui vont commencer à arriver massivement à la retraite autour des minimas sociaux »

Echec ?

Stéphane Bourhis : Nous sommes dans une période de transition mais aussi de paupérisation ressentie et vécue. Nous allons vers un appauvrissement de la classe moyenne, une paupérisation des classes populaires et un souci généralisé avec l’ensemble des générations qui vont commencer à arriver à la retraite autour des minimas sociaux…

N’oublions pas aussi cette notion de « reste à vivre », l’argent qui vous reste une fois que vous avez tout payé (loyer, assurances, impôts), pour vous nourrir, vous habiller et habiller vos enfants. Prime à l’emploi ou pas !

Cela pourrait être générateur de tensions fortes, ruiner les départements et affaiblir les politiques en région.

On y arrive, un échange sans parler d’Alsace, c’est impossible avec toi ?

Stéphane Bourhis : On parlera d’Alsace dès le mois de Juillet à l’Assemblée Nationale. Soit l’Etat ouvre la voie à une évolution institutionnelle permettant un jour une nouvelle région Alsace, soit la rancœur grandira. 4 sondages valident le « désir d’Alsace » et le rejet du Grand-Est ! Peut-on les nier ?

« Si vous ne tenez plus à l’Alsace en tant que région, si vous ne tenez plus à Strasbourg en tant que capitale, pourquoi nous devrions le faire à votre place »

Je me permets, Européennes oblige, de rappeler que tout ce qui affaiblit l’Alsace affaiblit Strasbourg en sa qualité de capitale européennes. La fin de la région Alsace a donné un signal fort en Europe. A Baden Baden, un chef d’entreprise allemand me disait « Si vous ne tenez plus à l’Alsace en tant que région, si vous ne tenez plus à Strasbourg en tant que capitale, pourquoi nous devrions le faire à votre place ». Que répondre ?

Et l’avenir ? Et toi ?

Stéphane Bourhis : Le nouveau monde n’est pas encore là mais l’ancien est en train de mourir. Certains se sauveront en allant finir leurs jours au soleil, mais cela ne résout rien pour le collectif !

Mon avenir à moi n’est d’ailleurs pas important. Les enjeux sont collectifs. Mais je persiste. Il va d’abord falloir panser les plaies et penser idées. Les idées doivent dominer les egos et donc le monde. Le tout est d’y penser…

Stéphane Bourhis est Conseiller Municipal LR de Hoenheim – Fondateur de Touche Pas à l’Alsace – Responsable de CPNT pour l’Alsace

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